Etudes, Travail, Retraite : Pourriez-vous vivre au Chili ? [en vidéo]

 

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Pour une grande majorité d’entre nous, notre existence est dédiée au travail. « Gagner sa vie »,  entendons-nous couramment. Notre travail définit notre vie, notre classe sociale et notre avenir.

Vivre au Chili et accéder à une « bonne place » n’est pas une sinécure. C’est le défi de beaucoup de chiliens et dès la naissance, le sort de chacun n’est pas le même pour tous.

Etudier a un prix et beaucoup de jobs paient au lance-pierres. L’argent est au cœur de toute cette organisation.

 

J’ai invité Hernán Cheyre, un ami vivant à Santiago. Il nous explique comment fonctionne le système chilien et nous dévoile comment certains tirent profits de l’éducation comme un réel business.

 

Comment les étudiants paient-ils leurs études ?

Combien coûtent-elles ?

A qui profite ce marché ?

Quel est le salaire minimum au Chili ?

Quelles vacances ont les employés ?

Quand les jeunes quittent le foyer parental ?

Quand partir en retraite ? La pension sera-t-elle suffisante ?

 

Notre merveilleuse France et ses acquis sont bien loin…

 

(Le texte de la vidéo est repris ci-dessous)

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POURRIEZ-VOUS VIVRE AU CHILI ?

(Réagissez dans les commentaires ci-dessous)

***

 

Mathieu : Hernán Salut,

 

Hernán : Salut

 

Mathieu : Tu peux te présenter en quelques mots, qui es-tu ?

 

Hernán : Si bien sûr. Je suis Hernán Cheyre, j’ai 31 ans, je suis dans l’industrie audiovisuelle, dans la nouvelle publicité. Je suis marié, avec 2 enfants.

 

 

Les 2 écoles

Mathieu : Je voudrais savoir, les jeunes doivent (absolument) étudier pour réussir dans la vie ? Comment ça se passe ?

 

Hernán : La réalité au Chili concernant l’éducation est un thème qui fait beaucoup jaser en ce moment, qui dérange, il y a beaucoup de mécontentement. Simplement parce que l’éducation de qualité est privée et elle est très chère. L’éducation de l’état est très mauvaise.

 

Mathieu : L’éducation publique

 

Hernán : L’éducation publique

 

Mathieu : Qui est gratuite…

 

Hernán : Qui est gratuite mais avec de très grandes carences. Elle a de très bas niveaux de…

 

Mathieu : Très peu de qualité

 

Hernán : Très peu de qualité, elle est très mauvaise. Et ça en général, c’est le premier conflit, il divise la société chilienne, parce qu’il y a celui qui peut payer, et celui qui ne peut pas payer.

 

 

Les Bourses étudiantes [01’35]

Mathieu : Mais il n’existe pas les bourses étudiantes pour les gens qui ont moins de ressources ?

 

Hernán : Il y a des bourses, des aides, mais c’est sur concours, ce n’est pas un droit et ça c’est un problème. On parle là de l’éducation des écoliers et non universitaire. Pour les écoliers, il existe des bourses mais elles sont minimes.

 

Mathieu : Ce n’est rien à côté de ce que l’école coûte à l’année.

 

Hernán : Ici l’école coûte environ, en euros ça ferait, 700 à 800 euros mensuels

 

Mathieu : Mensuels !

 

Hernán : Oui mensuels.

 

Mathieu : C’est énorme, tout le monde ne peut pas se payer ça !

 

Hernán : Très peu de gens, oui.

 

Mathieu : On parle pour les écoliers mais c’est pareil pour l’université ?

 

Hernán : L’université aussi est très chère. Nous avons environ 8 universités qui reçoivent directement de l’aide de l’état, mais elles ne sont pas exclusivement publiques. Toutes les autres sont privées. Tout est privatisé. Et tu comprendras que nous sommes 4 ou 5 millions de jeunes en cours d’étude et 8 universités ne suffisent pas. Et de là s’est créé le business de l’université privée. Et maintenant au Chili au total, il y a une centaine d’universités, c’est un business, un business complet.

 

Et tu peux postuler pour une bourse, tout dépendra comment ca s’est passé pour toi à l’école et à l’épreuve de sélection académique, combien de points as-tu obtenu pour pouvoir de présenter à telle carrière  et à telle université. Là, il existe les bourses, mais elles ne sont pas suffisantes.

 

 

Etudes et Argent : Le Business Educatif [03’40]

Mathieu : Si c’est si difficile d’étudier, cela apportera donc un bon travail ? C’est une certitude ? Sans qu’il soit le meilleur du monde, mais pour bien gagner ta vie ?

 

Hernán : Malheureusement… oui et non.

Oui parce que si tu arrives à entrer à ces universités qui coûtent… 1000 euros,

 

Mathieu : Il y a peut-être des domaines plus faciles que d’autres

 

Hernán : Tu as probablement ces 1000 euros pour payer, parce que  ta famille a de l’argent. Et si ta famille a de l’argent, probablement tu vas pouvoir avoir un bon travail. Mais la personne qui a dû contracter un crédit, qui a dû s’endetter, qui a fait un investissement à long terme, et c’est là le problème. Elle ne va pas avoir nécessairement avoir un poste de travail important. Il y a beaucoup de cas oui mais ce n’est malheureusement pas toujours comme ça.

 

Hernán : Le grand problème de ces universités privées est que, comme qu’elles doivent remplir leurs classes et les coûts sont très élevés, il y a 6 ou 7 ans, le gouvernement du Chili a inventé un montage financier, qui fait que l’état se porte garant face à la banque. Si tu vas à la banque demander de l’argent, la banque va te dire, quelles garanties avez-vous ? Je vous prête de l’argent mais comment allez-vous me payer ? Le gouvernement a donc décidé : « Nous allons nous porter garant, nous allons être l’aval». La banque va donc prêter l’argent les yeux fermés. Quel a été le problème ? Que les taux d’intérêts, le tout cumulé, s’élèvent à 60-70% du crédit que tu as contracté. Si tu t’es endetté de 20000 euros pour la durée des études, ou 30000 euros tout inclus, tu termines endetté à presque 60000 euros.

 

Mathieu : Presque le double, d’intérêt !

 

Hernán : Avec que des intérêts, et en plus de tout cela, les salaires auxquels tu vas pouvoir prétendre ne vont pas être très élevés. Cette dette va continuer à accumuler des intérêts et tu vas être endetté toute ta vie.

 

Mathieu : Toute la vie !

 

 

Le Salaire Minimum au Chili [06’14]

Mathieu : Mais quel est le salaire minimum au Chili ? Il existe ?

 

Hernán : Oui bien sûr, il est de 210.000 pesos, 205.000 pesos, Ca ferait…

 

Mathieu : 300 euros.

 

Hernán : 300 euros, c’est le salaire minimum.

Et un jeune diplômé, tout dépend des études, mais supposons une carrière comme la mienne, dans l’audiovisuel, cela va être difficile qu’il gagne plus de 400 euros.

 

Mathieu : Tu es entrain de me dire que tu vas t’endetter pour étudier, et presque toute ta vie tu vas travailler et payer pour rembourser le crédit t’a accordé la banque, impressionnant !

 

Hernán : C’est terrible !

 

 

Un Peuple en Rébellion [07’03]

Hernán : C’est pour ça qu’il s’est passé ces 2 ou 3 dernières années, et peut-être même avant, je ne sais pas si vous avez vu à la télévision la formation de protestations, les marches étudiantes, le mouvement qui s’est créé face cette injustice. Les gens ne sont pas stupides.

 

Mathieu : Les gens sont conscients

 

Hernán : Nous ne sommes plus dans un pays de paysans, les gens savent, ils voient la tromperie.

 

Mathieu : Les gens luttent pour changer le système ?

 

Hernán : Oui, ils luttent. Nous n’avons pas réussi à convaincre que l’éducation est un droit, qui doit être gratuit, et nous n’avons pas encore beaucoup avancé.

 

Mathieu : C’est un défi para l’avenir.

 

Hernán : Oui un défi mais c’est d’actualité, aux élections présidentielles que nous venons de passer, c’était le thème … PRINCIPAL, de tous les sujets. Quel est le problème ? C’est un thème qui se transforme en querelle politique, en polémique. Nous n’avons pas encore passé çaça.

 

 

La Vie du Salarié et Droits Sociaux [08’09]

Mathieu : Donc tu rentres dans le monde du travail, comment es-tu traité ? Les gens sont-ils heureux de travailler ? Ont-ils des droits, des vacances ? Des avantages ?

 

Hernán : Il y a quelque chose qui est inégal. Le Chili en ce moment a un taux de chômage entre 5 et 6%, qui est très bas.

 

Mathieu : Oui ce n’est pas si élevé.

 

Hernán : Le problème est : quel type de travail ont ces gens ? Et sont-ils heureux de travailler ? Quels bénéfices ont-ils ? C’est ça le problème. Les salaires sont très bas. Le travail est très peu motivant. Il existe de tout bien évidemment. Il y a des entreprises qui ont une autre politique, une autre mentalité, et ils vont aller très loin, c’est sûr.

 

Egalement nous avons des exemples, même si ce ne sont pas des pays voisins mais, le Vénézuela, sans parler de politique, a avancé beaucoup plus que nous, en ce concerne les droits sociaux. Nous il nous manque beaucoup. Notre pays est privatisé à 80%. Ce sont juste des chiffres pour comprendre l’idée, Tout est privé ici. Le business de l’état est de déléguer ses biens, de demander aux autres, qu’ils les administrent pour lui et toucher une commission très minime. Quel est le problème ? Cette délégation se transmet généralement à un ami ou à la famille du responsable d’état, et se transforme en réel business. C’est à cause de choses comme ça que le Chili est très en retard. Mais le Chili sait ca, il est entrain de réagir.

 

Mathieu : Il est conscient de ce qui se passe.

 

Hernán : Il ne sait pas comment le résoudre, mais il veut un changement.

 

 

Les Congés Payés [10’15]

Mathieu : Une autre question : Il y des vacances ? Combien de semaines ? Pour un employé lamdba ?

 

Hernán : Selon la loi, tu as droit à 15 jours ouvrés, soit 3 semaines, avec salaire. Et tu as également le droit selon la loi, de prendre seulement 2 jours « administratifs » par an.

 

Mathieu : Ainsi cela 15+2, cela fait 17 jours.

 

Hernán : 17 jours, donc les gens ne se reposent pas. De plus les périodes de vacances sont toutes concentrées dans les mêmes 2 mois, pour tout le monde, en janvier et février.

 

Mathieu : En été.

 

Hernán : Oui, et le problème est que tu vas te « reposer » pendant 3 semaines et tout est plein parce que tous sortent en même temps et Santiago est désert.

 

 

L’Indépendance des Jeunes du Foyer Parental [11’17]

Mathieu : C’est une des raisons pour laquelle les jeunes vivent au moins jusqu’à 30 ans chez leurs parents ?

 

Hernán : Absolument, car le prix de l’indépendance, avec tout ce que cela signifie, louer un appartement, payer les factures, c’est assez énorme. Et en plus de ça, si toi tu dois payer un crédit, comment tu fais ?

 

Mathieu : Crédit, commodités, appartement

 

Hernán : Ils ne peuvent pas le faire, impossible. Ainsi les gens vivent endettés : ils paient le crédit, ou plutôt, s’endettent, puis terminent leur carrière universitaire, commence à travailler. Naît ce cercle vicieux duquel ils ne peuvent sortir de chez eux, de leur famille, du cocon, parce qu’ils ne sont pas économiquement indépendants, mais ils la cherchent. Et donc que font-ils ? Ils s’endettent encore plus. Ils vont à la banque et disent, je veux ça, je suis entrain d’étudier, je suis bien, je veux PLUS d’argent. Je veux ma maison, plus de dettes, encore plus de dettes.

 

 

L’Age de Retraite [12’26]

Mathieu : Et ils sont obligés de travailler jusqu’à 60, 65 ans ?

 

Hernán : Ici tu peux partir à la retraite, entre 60-65 ans, comme période de départ à la retraite. Mais le système prévisionnel au Chili, qui a toujours de grandes carences, ne permet pas que les gens vivent seulement avec leur pension de base, ils ont besoin de continuer à travailler.

 

Mathieu : Parce que les retraites sont très basses…

 

Hernán : Et leurs dettes encore très grandes, et tu ne veux pas laisser de dettes à tes enfants, et ça c’est aussi un problème.

 

 

Un Chili Ouvert au Monde [13’03]

Mathieu : Donc tu m’expliques que c’est très difficile de « gagner » sa vie, avec peu de vacances, et moi pour ce que j’ai déjà vu jusqu’à aujourd’hui, les chiliens voyagent énormément. Un grande partie, connaissent, les Etats-Unis, l’Europe, l’Asie.

 

Hernán : Je dirais qu’une grande majorité connaît les Etats-Unis, ça oui, parce que l’influence directe, de beaucoup de pays pas seulement au Chili, est Américaine. A parler de l’influence américaine, c’est ridicule, nous sommes en Amérique, et le Chili fait partie de l’Amérique. C’est états-uniens. Les gens veulent aller aux Etats-Unis parce que, elle veut connaître cette magie, que tout est propre, que tout fonctionne, et que les gens arrivent à l’heure.

 

Mathieu : Elle veut leur ressembler ?

 

Hernán : Je ne sais pas. Enfin oui elle veut ressembler à certaines choses mais il y a de la paresse, ce serait un gros effort.

 

Mathieu : Chaque pays a sa propre identité.

 

Hernán : Il a sa propre identité, c’est clair . Et les gens s’endettent, vont à la banque et s’endettent encore, et partent en voyage,

Oui mais ça je le paie en 2 ans, tous les mois, mais ils créent une dette énorme, de laquelle ils ne peuvent sortir. Et bien sûr pour les banques bien sûr, c’est un excellent business.

 

Mathieu : Sans reparler des intérêts…

 

Hernán : La banque, malgré déjà ce que tu dois, et que tu aies une travail où tu gagnes peu d’argent, va quand même continuer à te proposer plus d’argent. Je te prête de l’argent, je t’en prête,

 

Mathieu : Et pour consommer.

 

Hernán : Consommer, seulement pour consommer.

Pour ce qui est de l’Europe, je dirais que cela concerne l’élite du Chili, les privilégiés. Et je le dis avec beaucoup de responsabilités. Il faut être conscient qu’ici les différences de classes sont très notoires. La différence entre une personne fortunée et une personne de classe moyenne, c’est comme ca. (en mimant une différence énorme).

 

Celui qui a eu la chance de naître dans ces 5% du Chili, connaît l’Asie, l’Europe, l’Afrique, il connaît tout. Il a une maison de vacances, il a tout. Il ne lui manque rien, il n’a pas de problème pour payer ses études, ils peut changer de carrière, oh non j’ai plus envie de faire çeci, je veux faire ça.

 

Mathieu : Il est plus libre,

 

Hernán : Mais c’est un luxe.

 

Mathieu : Et représente une minorité du pays

 

Mathieu : Merci beaucoup pour tes réponses,

 

Hernán : Merci à toi pour l’invitation,

 

Mathieu : Ce fut un plaisir, j’espère que l’on pourra se revoir bientôt.

 

Hernán : Oui absolument, et pareillement je fais une invitation à tes compagnons français pour qu’ils connaissent le Chili. Je pense qu’il y a beaucoup de choses en commun. Les paysages, les gens,

 

Mathieu : Je crois qu’ils ont envie de connaître davantage le Chili.

 

Hernán : Excellent

 

Mathieu : Merci Hernán

 

Hernán : De rien

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POURRIEZ-VOUS VIVRE AU CHILI ?

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