juin 29 2014
Enseigner le français au Chili, l’expérience de Anne
Enseigner le français à l’étranger, c’est l’aventure que tentent certains voyageurs pour financer leurs besoins ou leurs projets. C’est le cas de Anne qui, pour travailler au Chili, a mis à profit ses connaissances linguistiques en français et en anglais.
Par cette interview, découvrez comment a-t-elle fait pour donner des cours de langues, sans piston, sans visa de travail et sans maîtrise parfaite du castillan.
BONJOUR ANNE, PEUX-TU TE PRESENTER ?
Je m’appelle Anne, je suis la moitié française du blog de voyage franco-chilien CaminoNomada, www.caminonomada.com. Depuis février 2011 et mon premier départ (à l’époque en Nouvelle-Zélande), je suis rarement en France ! Nomade, j’alterne entre travail et voyage à l’étranger. Entre mai 2012 et mars 2013, j’ai passé 10 mois à Santiago de Chile.
COMMENT T’ES VENUE L’IDEE D’ENSEIGNER LE FRANÇAIS AUX CHILIENS ?
J’ai trouvé une offre d’emploi sur internet (le site trabajando.com). Un institut de cours particuliers cherchait un prof d’anglais. J’ai donc commencé avec l’anglais, puis le français est venu plus tard. Pas mal de chiliens étudient le français – ils se font un plaisir de vous chanter La Marseillaise qu’on leur a apparemment infligée jusqu’à ce qu’ils l’apprennent par cœur – mais j’avais bien plus de travail grâce à l’anglais.
CELA FUT-IL COMPLIQUE DE TROUVER DU TRAVAIL ?
Oh oui ! Il faut dire que j’ai débarqué au Chili à l’improviste, ça n’aide pas. Benjamin (mon compagnon, originaire de Santiago de Chile) a dû rentrer de façon précipitée. Je suis donc arrivée à Santiago avec un espagnol très rudimentaire, absolument aucune idée du processus de recrutement, aucun contact professionnel, et un simple visa touriste.
J’ai trouvé du travail par mes propres moyens. J’ai été dans plusieurs hôtels et restaurants avec mon CV, puis j’ai écumé les sites d’emploi chiliens sur internet. J’ai répondu à beaucoup d’annonces, en me centrant notamment sur mes compétences en langue. C’est un assez bon moyen de se démarquer dans ce pays où il y a un gros besoin en anglophones surtout, mais peu de candidats au niveau. Puis je contournais un peu le problème de mon espagnol. Je ne parlais et n’écrivais pas assez bien au bout de quelques semaines au Chili, du coup plusieurs coups de fil n’ont pas été suivis d’entretiens, et plusieurs entretiens n’ont rien donné.
Je crois que mon CV atypique et ma nationalité n’aidaient pas non plus, malgré des a priori positifs sur les Européens, car je postulais régulièrement à des jobs où seuls des chiliens ou autres latino-américains postulent habituellement. J’ai eu l’impression d’être un peu inclassable pour certains recruteurs.
L’autre point noir, c’était le visa : peu d’employeurs ont envie de s’embarquer dans les démarches d’obtention d’un visa de travail car ça les engage ! D’ailleurs, officiellement, c’est Benjamin qui donnait des cours de langues et émettait des « boletas » pour être payé. Même après être devenue suffisamment bonne en espagnol, j’ai compris que je ne trouverais probablement pas de travail « normal », plein temps, dans un délai assez court, à cause du visa.
A-T-IL ETE FACILE DE TROUVER DES PERSONNES DESIRANT D’APPRENDRE ?
C’est ma boss qui se chargeait de trouver les élèves, mais il m’est arrivé d’en avoir aussi de mon côté. C’était facile, quand je disais que je donnais des cours, les gens étaient intéressés. Ça fonctionnait aussi par le bouche-à-oreille, un de mes élèves me recommandant à quelqu’un d’autre.
Le niveau d’enseignement des langues est généralement très mauvais au Chili, à l’exception d’établissements privés coûteux. Les chiliens constatent que parler anglais notamment est un gros avantage (salaires plus élevés, plus d’opportunités) mais qu’ils n’y arriveront pas en passant par l’école… du coup les cours particuliers et académies sont légions.
QUEL NIVEAU AVAIENT TES ELEVES ?
Ça allait du débutant au très bon. J’avais de tout : des collégiens et lycéens dont les parents voulaient mettre toutes les chances de leur côté, des enfants incapables de s’exprimer ou de comprendre hors de phrases apprises par cœur, des étudiants préparant un examen spécifique, des professionnels préparant rendez-vous ou colloque avec des anglophones… et assez incroyablement, une prof d’anglais qui éprouvait le besoin de se remettre à niveau, et ce n’était pas du luxe !
EST-CE FACILE D’ENSEIGNER UNE LANGUE ?
Je crois que ça dépend des gens : par exemple, si je devais enseigner les maths ce serait une catastrophe, mais les langues je trouve ça simple. Puis ma boss me fournissait beaucoup de livres et exercices pour préparer les cours, c’était très pratique.
J’ai tout-de-même rencontré une grosse difficulté : l’absence des connaissances de base en grammaire. Tous les jeunes chiliens à qui j’enseignais avaient du mal à identifier sujet, verbe et complément dans une phrase. Un collégien ne comprenait même pas ce qu’était une conjugaison ! Pour moi c’était un casse-tête, car enseigner une langue secondaire sans s’appuyer sur ces bases est très difficile.
AS-TU UN DIPLOME PARTICULIER RELATIF A L’ENSEIGNEMENT ?
En français non, mais plus le temps passe, plus je me dis que ce serait judicieux car donner des cours est un bon moyen de travailler à l’étranger… En anglais j’ai plusieurs diplômes attestant de mon niveau (CAE et TOEIC) ; ils m’ont servi pour trouver ce job.
ON PARLE DE L’ALLIANCE FRANÇAISE AU CHILI POUR AIDER LES EXPATRIES DANS LEURS DEMARCHES ET LEURS RECHERCHES, ES-TU PASSEE PAR EUX ?
Non, d’ailleurs mes contacts avec des organismes ou instituts m’ont laissé un goût amer. J’ai d’abord contacté le consulat de France au Chili, où on m’a fait la morale pour être arrivée sans rien préparer, même après leur avoir expliqué pourquoi. Honnêtement, ils m’ont fait l’impression d’imbéciles malpolis qui n’ont fait que m’enfoncer quand je me sentais déjà perdue.
J’ai ensuite contacté la Chambre de commerce et d’industrie franco-chilienne : www.camarafrancochilena.cl/fr/. En rendez-vous, quand la personne a appris que je pensais rester une année seulement, elle m’a expliqué qu’elle n’avait rien à me proposer mis à part des stages faiblement rémunérés et m’a gentiment envoyée bouler. Elle est sûrement plus compétente avec des personnes qui cherchent à s’expatrier sur de longues durées. En tout cas après ces rencontres, j’ai décidé de ne plus perdre mon temps et chercher par mes propres moyens.
COMBIEN DE TEMPS AS-TU TRAVAILLE EN TANT QUE PROF AU CHILI ?
J’ai passé 9 mois à donner des cours particuliers. A la fin, je connaissais bien le métro et les différentes communes de Santiago !
QUELS CONSEILS DONNERAIS-TU A QUELQU’UN QUI VEUT SE LANCER DANS CETTE AVENTURE ?
Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! ;-) Allez là-bas avec un bon espagnol, en étant déjà familier avec l’accent et le vocabulaire chilien. Soyez prêts pour un processus de recrutement assez rigide et codé. Je pense qu’une expatriation au Chili doit se préparer bien à l’avance : trouver un bon travail prend pas mal de temps, surtout quand la démarche est liée à celle du visa de travail. Du point de vue boulot, je ne suis décidément pas un bon exemple : j’aurais été incapable de me débrouiller financièrement avec ce que me rapportaient les cours sans Benjamin et sa famille.
Anne et Benjamin, son compagnon chilien
TOUT LE MONDE PEUT-IL ENSEIGNER LE FRANÇAIS POUR GAGNER QUELQUES PESOS ?
Disons qu’il ne suffit pas d’être francophone pour enseigner le français. Si vous n’aimez pas ça ou que vous allez à vos cours les mains dans les poches, ça se ressentira très vite et vous perdrez vos cours. Je pense que ça dépend aussi du niveau de vos élèves. S’ils sont très bons et cherchent plus des partenaires de conversation corrigeant leurs erreurs à l’oral, c’est bien plus facile que d’enseigner à des débutants, et vos cours demanderont beaucoup moins de préparation. Mais oui, c’est un petit boulot accessible et facile à mettre en place : quelques annonces et un peu de bouche-à-oreille.
En savoir plus ?
Un grand merci à Anne pour ce témoignage. Vous avez des questions ou voulez en savoir plus, n’hésitez pas à vous rendre sur son blog CaminoNomada ou contactez-la sur anne@caminonomada.com
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Anne @ CaminoNomada
juin 29, 2014 @ 08:52:02
Hola Mathieu,
Je donne des interviews maintenant, bientôt j’aurai les chevilles qui enflent En tout cas ç’a été un plaisir de te répondre.
Si vous aimeriez me poser des questions n’hésitez pas !
Mathieu G
juin 29, 2014 @ 23:27:32
Hola !
Merci d’avoir partager ton expérience Anne, qu’elle puisse aider des voyageurs à franchir le pas pour tenter ce genre d’aventure au Chili.
Travailler au Chili | Blog voyage et travail à l'étranger
juil 04, 2014 @ 10:58:19
[…] je vous invite à lire l’expérience de Anne, qui pendant 10 mois, s’est orientée à enseigner le français et l’anglais au […]
Rattana
juil 07, 2014 @ 14:03:20
Interview intéressante, il y a peu je m’étais renseignée pour une formation pour enseigner le français à l’étranger.
Tu dis que tes origines ne ‘t’ont pas aidé pour trouver un travail, penses-tu qu’un nom sur un papier (qui sonne espagnol) puisse faire la différence ?
Anne @ CaminoNomada
juin 13, 2015 @ 03:39:35
Bonjour Rattana,
Je vois ta question bien tard, mais je suppose qu’y répondre maintenant c’est mieux que jamais !
Je ne pense pas qu’un nom qui sonne espagnol fasse la différence : ce n’était pas une discrimination contre moi, c’était simplement que j’avais l’air d’un ovni.
Dans un pays au processus de recrutement assez rigide, mon CV « à trous », mes diplômes sans équivalent au Chili et pas toujours en rapport direct avec les annonces aux quelles je répondais, ma nationalité… tout était incongru, je pense, aux yeux du recruteur lambda. Je postulais à des jobs où les recruteurs ne voyaient jamais des Européens postuler, parce que c’étaient des boulots pas ou peu qualifiés et plutôt faiblement rémunérés, par exemple.
Pour faire simple, un Chilien s’attendra peut-être à rencontrer un Français serveur dans un bon restaurant, mais pas un Français parlant couramment anglais travaillant dans un call-center… Et moi, je postulais un peu partout, là où c’était prévisible et là où ça ne l’était pas
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juin 15, 2015 @ 00:28:22
[…] J’ai moi-même enseigné le français et l’anglais en cours particuliers à Santiago, pendant 10 mois. J’en parle dans cet article du blog Chili Voyages : Enseigner le français au Chili, l’expérience d’Anne. […]
bruno
juin 16, 2015 @ 16:20:09
Bonjour Anne,
Aller au Chili! le rêve que j’accomplirai lorsque j’aurai fini mon tour de l’Europe.
Ce que j’aimerai c’est trouver des revues de voyage au Chili auxquelles je pourrais proposer ( vendre) des articles sur mon voyage aux contours de l’Europe.
Excellente journée à toi.
A un de ces jours!
Bruno
Anne @ CaminoNomada
juin 18, 2015 @ 01:24:07
Wahou quel programme ! Je ne connais pas de revues chiliennes spécialisées sur le voyage, si ce n’est des magazines distribués gratuitement avec le journal. A l’exception des journaux, la presse chilienne tend à être une variante légèrement modifiée de magazines internationaux (traduits de l’anglais ou publiés dans plusieurs pays d’Amérique latine). Mais je suis loin d’être une experte sur le sujet !
Bonne route
Anne @ CaminoNomada Articles récents…L’importance de prendre une assurance voyage